Quand Louis XIV menait la guerre… commerciale !

Quand Louis XIV menait la guerre… commerciale !

Et non ! La guerre commerciale ne date pas d’hier. Bien avant les débats modernes sur la mondialisation, les taxes douanières ou les relocalisations, un certain roi Louis XIV et son ministre Jean-Baptiste Colbert avaient déjà tout compris : pour enrichir la France, il fallait produire chez soi ce que l’on achetait à prix d’or à l’étranger.

Au XVIIe siècle, le constat est alarmant : les caisses de l’État sont vides et les produits de luxe viennent tous d’ailleurs. Les plus belles soieries ? Elles arrivent de Hollande. Les miroirs scintillants ? Fabriqués à Venise. La porcelaine fine ? Importée de Chine. Résultat : les élites françaises dépensent des fortunes à l’étranger, et l’argent quitte le royaume. Colbert, chargé des finances, tire la sonnette d’alarme : il faut inverser la tendance.

audio-thumbnail
Lecture Quand Louis XIV menait la guerre
0:00
/226.32

Colbert, ministre stratège

Pour relancer l’économie, Colbert lance une véritable révolution industrielle avant l’heure. Il réorganise les manufactures françaises et cherche à faire venir les meilleurs artisans du monde entier. Son objectif : copier, et même surpasser, les produits étrangers. Tout est bon pour y parvenir : espionnage, débauchage, et même guerre.

Espions, verriers et dentellières

Prenons l’exemple des verriers de Murano, près de Venise. À l’époque, ils détiennent un savoir-faire inestimable dans la fabrication du verre. Tellement précieux que la République de Venise surveille de près ces artisans. Pas question qu’ils quittent l’île ! Et pourtant… entre 1665 et 1667, certains acceptent les offres alléchantes de Colbert : une vie de luxe, des privilèges, et la promesse de travailler pour la cour du roi Soleil.

La mission est dangereuse. Les verriers doivent fuir en cachette, de nuit, pour ne pas être arrêtés. La France, elle, gagne des talents et peut enfin fabriquer ses propres miroirs. Résultat : en 1665, Colbert fonde la manufacture des glaces à Paris, future Saint-Gobain. Finies les importations coûteuses !

Versailles, vitrine du savoir-faire français

Louis XIV, lui, joue les influenceurs avant l’heure. Il transforme son palais de Versailles en un immense « showroom » du luxe à la française. Soieries, dentelles, miroirs, porcelaines : tout est produit en France, et tout le monde en raffole. Même les Hollandais finissent par perdre leur avantage : la guerre de Hollande (1672-1678), menée par le roi Soleil, affaiblit leur économie et permet à la France de récupérer la production des draperies.

Une leçon d’histoire économique

Ainsi, bien avant les débats sur le "Made in France", Louis XIV et Colbert avaient lancé leur propre politique de réindustrialisation. Grâce à une stratégie mêlant séduction, ambition et un brin d’espionnage, ils ont transformé la France en une puissance manufacturière.

Alors, la prochaine fois que vous admirez un miroir ancien ou une belle soierie, pensez à ces verriers vénitiens fuyant dans la nuit… et à cette guerre secrète qui, sans bruit, a changé l’histoire économique de la France.

TRADUCTION :

When Louis XIV Waged... a Trade War!

Believe it or not, trade wars didn’t start yesterday. Long before today’s debates about globalization, tariffs, or reshoring, King Louis XIV and his minister Jean-Baptiste Colbert had already figured it out: to make France rich, the country had to produce at home what it was buying at exorbitant prices abroad.

In the 17th century, the situation was dire: the state’s treasury was empty, and all luxury goods came from foreign lands. The finest silks? Imported from the Netherlands. Shimmering mirrors? Made in Venice. Fine porcelain? Shipped in from China. As a result, French elites spent fortunes overseas, and money drained out of the kingdom. Colbert, in charge of the finances, raised the alarm: it was time to reverse the trend.

Colbert, the Strategic Minister

To revive the economy, Colbert launched a true industrial revolution before its time. He reorganized French manufacturing and sought to bring in the best craftsmen from around the world. His goal? To copy—and even surpass—foreign products. And he was ready to do whatever it took: espionage, poaching experts, even war.

Spies, Glassmakers, and Lace Makers

Take the example of the glassmakers of Murano, near Venice. At the time, they possessed priceless expertise in glassmaking—so precious that the Republic of Venice closely watched over them. Leaving the island? Out of the question! And yet… between 1665 and 1667, some accepted Colbert’s tempting offers: a life of luxury, privileges, and the promise of working for the court of the Sun King.

The mission was dangerous. The glassmakers had to flee secretly, under the cover of night, to avoid arrest. France, in turn, gained incredible talent and was finally able to produce its own mirrors. The result: in 1665, Colbert founded the mirror factory in Paris, which would later become Saint-Gobain. No more costly imports!

Versailles, a Showcase of French Expertise

Louis XIV himself played the influencer before his time. He transformed his palace at Versailles into a giant showroom of French luxury. Silks, lace, mirrors, porcelain—everything was now made in France, and everyone was crazy about it. Even the Dutch eventually lost their edge: the Dutch War (1672–1678), led by the Sun King, weakened their economy and allowed France to take over the drapery trade.

A Lesson in Economic History

So, well before the modern concept of “Made in France,” Louis XIV and Colbert had already launched their own policy of reindustrialization. Through a strategy mixing seduction, ambition, and a touch of espionage, they turned France into a manufacturing power.

So next time you admire an antique mirror or a beautiful piece of silk, think of those Venetian glassmakers escaping into the night… and of that secret war that quietly changed France’s economic history.